REFUGES PERCHES de ROLAND FUHRMANN

Exposition du 28 septembre au 02 novembre 2018

 

Accueilli en résidence à Monflanquin en 2008, l’artiste allemand Roland FUHRMANN s’était intéressé aux palombières, singulières cabanes élaborées par les chasseurs du Sud-Ouest. Roland FUHRMANN avait l’ambition de prolonger son étude sur la diversité de ces structures fantasques perchées dans les arbres. Son nouveau projet conduit au fil de l’année 2018 interroge encore ces architectures de retour à l’état sauvage où l’homme et le gibier se côtoient et se confrontent. Les palombières et leurs tunnels invisibles apparaissent comme les veines d’un organisme improbable qui plonge sa griffe au cœur même de la forêt qui l’accueille.

 

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« La forêt : lieu mythique, propice à la nostalgie, un refuge où l‘âme retrouve les vertus guérisseuses et salvatrices de la nature. Dans le sud-ouest de la France, la forêt s‘est elle aussi réduite à quelques îlots au sein de l‘agriculture intensive. Les paloumayres de toutes classes et de toutes conditions se retirent dans ces îlots, fuyant temporairement leur quotidien pour gagner l’espace de liberté d‘un monde parallèle. Connectés avec la forêt ils renouent avec la nature pour se confronter au gibier. Isolés au cœur de la nature, dans de petites enclaves, ils entrent en résistance contre des normes et contraintes sociales. C‘est une rébellion contre la réalité et un retour instinctif vers l‘animal.
Au centre de ces enclaves, les palombières deviennent un véritable espace vital pour les paloumayres. Perpétuellement en devenir, ces structures indéfinies, inachevées, toujours croissantes, géométriquement indéfinissables, et aux accents mystiques, imposent leurs architectures anarchiques et grimpantes jusqu‘au sommet des arbres; une parfaite improvisation à partir d‘objets et matériaux de récupération, riche de leurs imperfections. Un escalier voilé, un ascenseur caché et des couloirs-tunnels dans plusieurs directions enracinent la construction dans le sol de la forêt jusqu‘à la rendre invisible. La diversité des matériaux employés débouche sur une multitude de formes et de constructions qui se fondent parfois si bien dans la forêt qu‘on pourrait presque croire qu‘elles y ont poussé.
La palombière est un espace commun habitable agrémenté souvent d‘une cuisine équipée. Réalisée entre amis elle est le témoin de leur cohésion. C‘est un observatoire accueillant, convivial où bon vin et bonne chère ont leur place. C‘est aussi un piège mortel. Son but premier reste de chasser le pigeon ramier (la palombe) lors de sa migration du nord-est de l‘Europe vers ses quartiers d‘hiver espagnols. Cette technique de chasse extrêmement élaborée s‘est développée au siècle dernier à partir d‘une tradition ancienne. L‘utilisation de filets commandés à distance et d‘oiseaux vivants comme leurres l‘apparenterait à la pêche plus qu‘à la chasse. Les important quotas prélevés, au nom de ce qui reste dans le sud-ouest un loisir et une activité traditionnelle, débouchent sur un bilan jugé négatif et déraisonnable par les non-initiés.
Artiste et chercheur dans le domaine de la construction, je suis fasciné par le développement sauvage de ces architectures ingénieuses et spontanées. Les palombières représentent une alternative à notre monde hautement technologique. Leur langage formel puissant leur confère un statut d‘œuvres antiacadémiques d‘art brut. Comme un paléoanthropologue j‘ai poursuivi en 2018 un projet commencé en 2008*, en visitant plus de 80 palombières et en dressant un panorama photographique et cinématographique qui a été présenté lors de l‘exposition – „Silence, palombière !“ »

Roland Fuhrmann