LOUISA MARAJO

Artiste accueillie en résidence du 16 juin au 30 août 2022 – Exposition à Pollen du 16 septembre au 28 octobre 2022.

Sur la voile de son bateau fait de planches et de restes, il y a les ruines de La Poste de son enfance. Elle a brûlé en décembre dernier lors des révoltes en Martinique.

Soleil en mille morceaux
Éclaboussures de la mer en Feu
Canicule atmosphérique – canicule politique
Madmax
Dans l’atelier à l’envers – sous cette chaleur acidulée
on cherche à faire des petits accras – de sargasses*, un petit truc sympa
44°, ce pourrait être un rhum arrangé
Finis les cocotiers.
Tohu-bohu de la genèse, c’est le radeau qui dérive…
Dehors, à La Poste – qui nous relie à la Martinique – on voyage à l’écrit sur des cartes
qui défient la mer et migrent « sur le vieux buffet, sous la poussière grise »(1).
Poussières de catastrophes
Le bateau s’est émietté à son tour – ne restent que ses entrailles – à ciel ouvert.
Telle une décharge – elle en jette à la figure des cartes postales
aux atmosphères remixées remplies de sargasses
de fantômes de rhum – photos trafiquées dans la forêt carbonisée.
Déluge manifeste.
Manifeste est cette dérive, avec pour plusieurs destinations
des espaces entre tous les temps – entre toutes les vagues – entre tous les genres
Louiz MARRON – en correspondance – pourrait être une fille et un garçon
sorte de nouvelle connexion trouble d’internet qui active le bug enflammé
MAWON(2)
Né-e dans les remous de l’écume de Yemanja – déesse de la mer
Louiz est un nèg mawon féminin qui prend la fuite et migre
De la Martinique vers Monflanquin – de Monflanquin vers la Martinique
Son « arme de guerre traverse la mer »(3) et s’enivre de souffle cosmique
Soleil brûlant
Sa résidence est une énigme – entre le réel et l’imaginaire
Sur ce pont – entre les brûlures acidulées dans ce radeau
Entre la Martinique et cette bastide – encore plus petite que son île
elle l’imagine sous les eaux, l’insularité engloutie dans la ruralité
Va-t-on y retrouver l’essence de la mer – la tempête – les flammes
dans sa fuite faite de poussières ?
Fumées d’été… Entre deux eaux… où disparaissait le ministère de l’outre-mer
Finis les cocotiers. Déracinés par la montée des eaux.
Frontières dénouées par ces nœuds qui lâchent
Limites de la planète dépassées
Atelier à la dérive.
Carte postale brûlée et rafistolée par du rhum – arrangé
Sous un soleil en mille morceaux. 
* sargasse : algue brune qui détériore les plages Caribéennes depuis 2011. Leur prolifération excessive serait causée par la culture intensive dont les engrais se retrouvent dans la mer, déversant des nutriments dont se nourrissent les sargasses. L’élévation de la température des océans modifiant les courants marins participe également à ces arrivées massives. Présentant des métaux lourds comme l’arsenic dans leur composition, les sargasses, qui se mettent à sécher, dégagent des odeurs toxiques qui irritent les voies respiratoires et détériorent aussi les objets. C’est un phénomène social total illustrant les effets néfastes de l’Homme sur l’ensemble du Vivant.
(1) Francis Cabrel
(2) MAWON : à l’époque coloniale, le neg’mawon est un esclave qui s’enfuit de la propriété de son maître aux Antilles ou en Amérique, et se réfugie dans la forêt.
(3) Lutin, artiste guadeloupéen