Chrysa CHOUMETI

Artiste accueillie en résidence de novembre à décembre 2002.

Chez Chrysa CHOUMETI, tout est d’abord expérience sensible où espace et regard apparaissent en communication libre et susceptibles par conséquent de laisser passer de l’un à l’autre un véritable courant. Et ce courant consiste à se frotter aux limites assignées, à éprouver leur capacité de résistance et à maintenir ouvertes, dans la trame serrée du réel, des situations où peuvent advenir des phénomènes visuels particuliers. Entre espace et regard, il n’est donc pas question d’un rapport hiérarchique, mais d’un rapport de complémentarité, chacun participant activement à la cohésion de l’échange. Ce n’est aucunement un état de fait, c’est un processus. Cet échange n’existe pas une fois pour toute, mais au contraire doit constamment être l’objet d’attention et d’exercices pour rester actif. Chrysa CHOUMETI repère dans l’espace des lignes, des pans, des découpes, des couleurs, des traces, des strates mais aussi des gestes, des habitudes, des émotions et des idées. Elle s’interroge sur ce qu’il enregistre, sauvegarde et restitue. Elle ne néglige aucune possibilité d’approche, de mesure, de révélation, d’interprétation (la photographie, la peinture, la fiction, l’éclairage, l’empreinte, la projection, le dépecàge) pour en découvrir les réserves, les abandons et les refus. Et pourtant la finalité de son intervention se réduit à peu de choses. Entre perception et réception, elle s’en tient à des reflets et des échos qui ramènent à l’espace d’où ils émanent et se diffusent. L’enjeu n’est pas une opération démonstrative. L’espace ne devient pas image, mais élément de mobilité du regard. Il suffit d’instaurer ce lien faisant du regard la question qui à la fois s’ouvre et se ferme sur l’expérience dont elle dépend et de l’espace la tension qui recule indéfiniment la réponse. L’espace ne demande aucune vérification mais seulement ce mouvement du regard qui revendique avant tout et tout simplement une présence, un engagement et surtout ne prétend nullement servir d’instrument de rétrécissement ou d’agrandissement. Des points se rapprochent, se rencontrent, des lignes se croisent et donnent naissance à d’autres plans, d’autres figures. La notion de centre perd son sens et sa fonction, se laisse déborder par des flux de sensations, de forces, de fragments de récits. Flottement, transparence, contraction, dilatation : tout peut arriver, mais ce qui a lieu ne ressemble en rien à un événement, et se veut essentiellement proche de la nature transitoire, fugitive de l’espace poétique.

Didier ARNAUDET

Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Catalogue 16 pages – 21 x 16 cm
Couverture et photographies couleurs
Epuisée