WILSON TROUVE
Vit et travaille à Marseille.
Marquer son territoire Lorsque je pisse dans la neige je la sculpte autant que je la peins. Je suis au moins sûr de ne pas me pisser sur les chaussures. L’urine chaude fabrique des orifices dans le manteau neigeux, je découvre alors l’épaisseur du sol sur lequel je marche. Je pisse dans la neige parce que j’en ai envie, envie de pisser bien entendu et envie surtout de marquer mon territoire, dessiner sur la surface neigeuse et sculpter le manteau neigeux, produire un acte éphémère pour mon seul plaisir. Seul l’homme peut créer des motifs décoratifs dans la neige en pissant.
L’homme peut se permettre la fantaisie de pisser à tout-va. Le projet intitulé « Marquer son territoire » découle explicitement de la série des « Crumbles » et il aborde la question du déploiement de l’acte pictural au sein d’un espace sculptural. La couleur se limite ici à celle de l’urine avec la volonté d’orienter précisément le sens de la pièce jusqu’à générer un certain dégoût chez le spectateur.
Le jaune « soleil » vire rapidement au jaune pisseux et le titre vient cerner délibérément l’intention figurative de ce qui est visible.
Cette pièce part d’une volonté d’amplifier l’acte pictural comme recouvrement/nappage et elle crée l’espace physique dans lequel le spectateur pénètre la peinture et s’enlise en elle. Le chemin neigeux matérialisé par les plaques de polystyrène est une invitation à considérer l’acte pictural ancré dans la réalité. La peinture ne se résume pas à de la peinture. Lorsque je pisse dans la neige je réalise un acte pictural né d’un besoin naturel.
Wilson TROUVE, Monflanquin, décembre 2004
Wilson TROUVE ne donne guère dans la stabilité des repères convenus. Sa peinture prend ses aises, s’épanche, n’a plus de limites, ne s’encombre plus du mur, occupe de l’espace et agence quelques situations d’évasions spectaculaires. Elle a pour caractère essentiel d’être vaste, c’est-à-dire ouverte à diverses incursions. Il s’en dégage l’idée d’un lieu doté d’un singulier pouvoir de dilatation. Dilatation sans nul doute des matières convoquées mais dilatation aussi des itinéraires proposés au regard. Tout commence donc par un contact direct avec l’espace. Il se déploie sans la moindre diminution de présence, avec une capacité d’affirmer la variété de ses ressources et de ses échos. Rien ne s’oppose à ce qu’on pénètre dans l’amplitude de ce champ d’action, se déplace dans ce désir de peinture. Dans l’espace ainsi mis en conversation avec la peinture, aucune question n’exige de réponse, aucune interprétation n’est indispensable. Tout se ramène à ce mouvement qui puise en lui-même l’énergie nécessaire pour se prolonger et se compléter. Ce mouvement est donc source d’étonnement parce qu’il ne se contente pas de remplir une fonction, de mettre en évidence un commencement et un point final, mais s’efforce de franchir quelque ligne de démarcation, de se fondre obstinément dans la moindre sollicitation et d’en faire tout simplement mais intensément un moment de vie qu’il s’agit moins de définir que de saisir comme un événement. Sans cesse soumise à rude épreuve, la peinture n’existe encore que dans la perte, la déperdition, l’absence. Wilson TROUVE le sait mais il ne considère pas cette absence comme une impasse définitive. Pour lui, l’urgence n’est pas dans la défense d’une place assiégée, au bord de la reddition. Il faut avant tout se réorganiser ailleurs et autrement, expérimenter d’autres terrains, d’autres matières. Il faut également inscrire dans le même souci de restructuration les aspects antagonistes et complémentaires du défaire et du faire, de la décomposition et de la recomposition. La peinture est ainsi maintenue sous pression par une succession de propositions décentrées qui l’amènent à une confrontation extrême avec son point de rupture. Son engagement est clairement indiqué, c’est celui d’une tendance ludique et généreuse à la diversification générale et de la complexification croissante de ses structures. Rien n’est fixé, tout devient mouvement, élargissement, tout se nourrit de ce va-et-vient entre le dehors et le dedans, l’ouvert et le clos, le passé et le présent, le réel et la fiction, le volume et l’écran. De nouvelles conditions permettent l’apparition de nouveaux phénomènes. L’acte pictural retrouve ainsi un potentiel parce qu’en devenant absolument indéfinissable, il s’avère susceptible de développements inédits.
Didier ARNAUDET
Wilson TROUVE
Artiste en résidence à Monflanquin
de novembre 2004 à février 2005
Catalogue 16 pages couleurs – 21 x 16 cm . + Couverture et photographies couleur
Epuisé
Texte : Didier ARNAUDET