Séverine MONEUSE

Artiste accueilli en résidenced’août à octobre 1999, Séverine Moneuse est née en 1971.
Elle vit et travaille à Valenciennes.

Séverine MONEUSE pratique une photographie précise, simple, maîtrisée, très pure de lignes et de formes. Elle propose des architectures et des espaces convoqués comme des scènes, des repères et des ponctuations d’une vie municipale : la salle d’animation, la piscine, la halle du marché, le théâtre, la tribune et la pelouse du stade, la salle du conseil municipal, la cafétéria ou la bibliothèque. Des propositions frontales, cadrées avec mesure et mise à bonne distance.
Sans sophistication ni surenchère. Une matière dure, lisse et nue qui ne cède en aucune manière à la tentation de se soustraire à sa banalité ou à son exubérance.
Des propositions donc comme les pièces d’un mécanisme bien agencé. L’art de Séverine MONEUSE consiste à régler mais aussi à dérégler ce mécanisme.
D’où bien sûr cette application claire, incisive à décrire avec exactitude et sérieux.
D’où aussi ce choix de ne montrer aucune présence humaine et de s’en tenir à la forme évidée du lieu qui n’en résonne pas moins des échos de l’apparence et de la représentation. D’où encore cette pointe d’étrangeté dans des lieux que nous reconnaissons comme familiers. 

Le lieu inaugure ici un vide, se développe autour de lui et se détermine par la propagation de ce vide comme une aventure qui se constitue dans le caractère imprévisible de ses significations proliférantes et sinueuses. Il transforme le regard en une sorte de bernard-l’hermite qui s’empare de ce vide pour en prendre possession, en vérifier les ressources et en éprouver les limites. Séverine MONEUSE appréhende le lieu comme une coquille vide et nous invite à rentrer dans cette enveloppe pour s’interroger sur la consistance de sa fonction et de son décor pétrifié dans un réseau de signes efficaces. Sa photographie, dans l’évidence de son mélange de silence et d’insistance, a quelque chose du coup d’ongle qui entend faire vibrer la particularité d’une manière pour en révéler la texture mais aussi les éventuelles fêlures.

Séverine ne cherche à avancer aucune thèse et n’ambitionne pas davantage de changer notre regard sur le monde. En revanche, ce qu’elle revendique, c’est cet exercice simple et obstiné de l ‘inscription dans le champ de l’histoire réelle où la photographie aide à voir, à comprendre et à imaginer. Cette présence brute, élémentaire de ces espaces de l’échange et de la contingence a pour corollaire une conscience aiguë de l’intensité des codifications et des articulations sociales.
C’est dans ce choix assumé que la photographie draine l’énergie nécessaire pour devenir une question qui trouve enfin sa vraie pertinence.

Didier ARNAUDET