Roland FUHRMANN

Artiste en résidence à Monflanquin de mars à mai 2008.
Né en 1966. Vit et travaille à Berlin (Allemagne).

 

La diversité des outils utilisés  par  Roland Fuhrmann empêche son enfermement dans une discipline plus qu’une autre.
Photos, vidéos, sculptures, installations participent à une forme d’anthropologie qui passe par une production plastique nourrie, qui ne s’interdit rien, pas même l’humour.
Tel un patient horloger, Roland Fuhrmann « autopsie », décortique, démonte puis recompose des « formes » signifiantes : les évolutions d’un corps dans l’espace se figent dans un tracé qui devient sculpture… une étude du système sanguin humain donne corps à une sculpture monumentale devant un hôpital… un diaporama-vidéo accompagné de rires hystériques et obscènes réactive un banal album photo (celui de sa famille allemande pendant la guerre) en témoignant d’une part de mémoire occultée…
En résidence à Monflanquin Roland Fuhrmann a relevé certaines spécificités régionales. La présence de « palombières » perchées à 15 m dans les arbres n’ont pas manqué de l’étonner. Celle de nombreux cadavres d’animaux et de gibiers sur les routes également…

Pollen

La chasse, ici ? C’est une substance tout à la fois encombrante, vigoureuse, généreuse, ouverte à l’ampleur et à l’effervescence du réel le plus brutal et de la rêverie la plus fragile, donc capable d’apparaître sous divers degrés de densité – tantôt matière rude, épaisse, tantôt déploiement fluide, aérien – s’inscrivant surtout dans des formes de vie et de convivialité, mais convoquant aussi des objets offensifs, des constructions sauvages, des conduites guerrières et des organisations d’une redoutable inventivité. Dans ses vidéos, photographies et installations, Roland Fuhrmann porte un éclairage qui mêle observation, contemplation, approche documentaire et échappées narratives, sur le cercle cruel qui enveloppe le prédateur et la proie, et sur le monde des palombières, perchées à la cime des arbres, issues d’étranges ententes entre rigueur et désordre, intérieur et extérieur, immobilité et mouvement, échappant ainsi à toute détermination trop claire. Il amène le regard à transpercer l’épaisseur végétale en quête d’une identification d’assemblages chaotiques, comme une réserve inépuisable de forces et de possibilités, à prendre en compte la violence des cadavres d’animaux aux bords des routes, à se confronter à la férocité d’une recette culinaire pour préparer une perdrix rouge et à s’interroger sur ces plaques funéraires à la gloire de la permanence du lien entre le chasseur et son lieu de chasse.

Roland Fuhrmann instaure un dialogue avec un territoire, une pratique et leurs spécificités, qui se doit d’être vital et à l’écoute des passions et des émotions enracinées dans des corps, des existences et donc engagées dans un cycle de vie et de mort. Dialogue dont il nous faut bien comprendre que les diverses phases ne se succèdent pas vraiment, mais se recouvrent, s’impliquent les unes dans les autres, et surtout peut-être lorsqu’elles nous apparaissent discordantes. Il implique un effet d’authenticité par cette étrange matérialité des images, des voix et des sons, des temps à partager au quotidien et d’échanges dynamiques avec l’environnement. Et pourtant, ce parti pris d’authenticité n’est pas unilatéral. Il se conjugue en permanence à un choix bien défini de théâtralité c’est-à-dire de rôles, de décors et d’actions dans la mécanique d’une composition et d’un jeu d’artifices. Mais ce dialogue, à quoi au juste vise-t-il ? D’abord, sans aucun doute, à un dépassement constant de ses limites. Roland Fuhrmann sait élargir le champs de vision, se donner de la souplesse et de la distance pour rester sans cesse mobile et éviter ainsi de se laisser bloquer par ce qu’il regarde, découpe et explore.

Didier ARNAUDET

Roland Fuhrmann
Artiste en résidence à Monflanquin
de mars à mai 2008
Epuisé
Texte Didier ARNAUDET
Traduction Mitch COHE