JULIE LEGRAND

Artiste en résidence à Monflanquin de novembre 2003 à février 2004.

Née en 1973.

Elle vit et travaille à Paris.

Quelque chose à la fois d’intime et de lointain. Quelque chose qui se présente sans cesse avec la même netteté mais où se dissimule l’écho d’un vécu, se devine la préservation de souvenirs.

Rien qui se fixe, se fige, rien qui puisse correspondre à une quelconque orthodoxie, ou que l’on puisse immobiliser dans un schéma qui rassure.

La matière, devenue indéfinissable, se simplifie, se délivre de l’accessoire et n’accueille plus que l’élémentaire.

La respiration des couleurs, souple et mesurée, enveloppante, s’impose à l’intérieur de certaines règles d’écriture, assure la continuité de la coulée, lui invente une progression, l’oblige à se répandre dans l’espace.

Le désir qui anime ces lignes n’est pas une volonté d’emprise, de possession mais un geste de partage. Partage avec les surfaces, les volumes, les couleurs, les matières, les énergies, non sans qu’affleure le souci ultime d’approcher ce centre invisible vers lequel converge le visible, ce centre qui relève d’abord du domaine du sensible.

Dans ces sillons, ces traces, l’espace ainsi scarifié, écorché, cherche sa fluidité moins sans doute pour échapper à la pesanteur des corps et des regards que pour saisir en lui la vibration d’autres ressources, d’autres couleurs, d’autres substances, qu’il recèle et se refuse à dénuder.

Cette circulation plurielle, lumineuse dépend de ses énergies propres. Fragile, au lieu de se répéter, de se succéder à elle-même comme une chose fluctuante, elle se métamorphose en une présence dense et résistante, susceptible de s’inscrire dans une vraie durée.

Peinture ? Bien sûr. Mais peinture si ramassée, si rentrée en elle-même que l’alliage qui la compose semble absorber par une extrême concentration de convergences acérées et vibrantes. Donc le peu qui subsiste est d’une extrême exigence.

Monde de formulations successives et d’ébauches repoussées, de remous d’eau et de racines, d’humeurs et de rumeurs, de résonances organiques et de fils liquides, monde sur le fil du rasoir et à l’épreuve de la lumière.

Sortir des murs, des poutres. S’épancher. S’ouvrir. Mais l’ouverture n’est effective qu’à la condition que la promesse en quoi elle consiste conserve son énigme.

Ce principe de prolifération complique l’espace. La complication, loin d’être un obstacle, s’avère être une dimension poétique qui multiplie les lectures possibles, impose des tours et des contours, libère des seuils et des passages, suggère des parcours.

Tissu de signes, de veines et de ramifications, composition de limites et de vides, de filages et de nouages, la coulée prend corps, ne serait-ce que dans le corps à corps que constitue sa saisie.

Même si une certaine transparence la caractérise, cette géographie a toutefois une matérialité, une réalité opposable à l’œil et au corps. Sensuelle, inédite, elle s’offre à l’intuition des sens. Elle n’a donc rien de négligeable.

Se laisser aller à la pente de la couleur pour ne plus en être dupe. Se mettre à son écoute pour l’entendre parler, suivre sa grammaire pour voir où elle l’entraîne, pour excéder son champ de signification.

Cette idée de faire couler n’a pas peur des excès et des échecs. Elle convoque à la fois le dur et le mou, le vital et l’incertain, le lisse et le rêche, l’infini et le minuscule, l’insolite et le banal, le trivial et le sublime. Elle continue son avancée sans être impressionnée ni par la perte du chemin parcouru ni par le risque de sa propre perte.

Didier ARNAUDET

Julie LEGRAND
Artiste en résidence à Monflanquin
de novembre 2003 à février 2004
Catalogue 16 pages + couverture – 16 x 21 cm
Photographies couleurs.
Epuisé
Texte de Didier ARNAUDET