Baptiste ROUX


Artiste accueilli en résidence de novembre 1994 à janvier 1995, Baptiste ROUX est né en 1970.
Il vit et travaille à Nice.

Comme un géologue

La peinture comme paysage complexe de divergences, de dénégations et de précarités présente un lacis de chemins trop dense pour qu’on puisse le parcourir de bout en bout, trop serré pour qu’on puisse toujours éviter de revenir sur ses pas.
Ce paysage-là ignore les chemins rectilignes. Il multiplie les bifurcations, les perspectives et donc les aventures. S’engager dans son réseau surchargé de circulations et d’interférences consiste d’abord à choisir un mode d’exploration : par induction ou par déduction, par le biais de la pratique ou de la théorie, de manière empirique ou par à priori, selon un exigence analytique ou une optique synthétique, avec scepticisme ou avec conviction. Baptiste ROUX prend le contre-pied des organisations stratégiques de ces choix.
C’est l’énergie du vagabondage qui pour lui est évidente, la pérégrination non pas définie, canalisée, estampillée mais ouverte, active et plurielle au contraire. Il opère avec une curieuse aisance, productive et impertinente, et conjugue un tempérament clairement joueur et un certain intérêt pour la réflexion critique. Baptiste ROUX se confronte ainsi à la violence de la signalétique urbaine et à la sensibilité sociale de l’abstraction, à la manipulation médiatique, à la photographie détournée et à dimension organique d’une expansion picturale. Il utilise de la résine colorée répandue sur un contreplaqué à l’aide d’un ventilateur, recouvre de mousse de polyuréthanne des objets et des tableaux, fabrique des moules à peinture en silicone, rectifie les portraits de Lénine, Staline ou Hitler. Baptiste ROUX approche la peinture un peu à la façon d’un géologue. Il évalue le degré de résistance des « roches primordiales », l’intensité de l’érosion, les aplanissements consécutifs. Il dégage des plates-formes topographiques, déblaie des strates, étudie les fissures, les zones de faiblesse, les écorces sédimentaires et le processus cyclique qui oppose ou assemble des forces internes et externes dans une suite d’alternances sans fin. Son vagabondage ludique témoigne certes d’un enthousiasme mais c’est aussi un jeu pratiqué délibérément où se révèle une conscience permanente du risque de la confusion, tout en sachant que c’est dans l’expérience de ce danger que réside la possibilité d’étendre la perception des limites et du sens de la pratique picturale. 

Didier ARNAUDET

Edition réalisée dans le cadre de la résidence à Pollen – Epuisée –
Plaquette 8 pages – 11×22 cm
6 photographies
Texte : Didier Arnaudet